mardi 17 juillet 2007

LA SCIENCE DANS LE LIVRE POUR ENFANTS

Sensibiliser l’éveil scientifique et éduquer au monde qui nous entoure (Les Sciences dans les livres pour Enfants, Sfax, 26 mars 2005)
J’ai produit il y a quelques années en 1989 un premier album illustré que j’ai écrit en français pour aider les enfants de fin d’études primaires en Tunisie à renforcer leur bagage linguistique en s’ouvrant au monde qui les entoure , qu’il s’agisse de la faune et de la flore domestique , de celles des parcs zoologiques , des forêts du Nord , des paysages sahariens du Sud , du monde marin et aquatique… En un mot, je pense avoir été imprégnée par l’éducation dont j’avais moi-même bénéficié d’une part dans un triste internat français de fin de règne colonial et d’autre part dans une famille dirigée d’une main de fer dans un gant de velours par un père très à cheval sur les principes moraux et religieux, aussi rationnel que pouvait l’être un chirurgien qui venait de sortir des affres de la IIe Guerre Mondiale et de celles de la lutte anti-coloniale… Ce père qui vouait un véritable culte au livre , aux sciences et à la nature , nous transmettait d’une manière quasi permanente du « savoir », qu’on fût dans la cuisine au moment des repas ,dans le jardin , en promenade , à la montagne, à la plage, dans une ville antique ou moderne, au marché de poissons, de légumes ou ailleurs, à chaque fois qu’il pouvait nous sensibiliser à ce qu’on appelle « Les Sciences » il le faisait d’une manière simple et claire et rationnelle…
Au moment où j’ai dû moi-même assumer ce rôle d’éducatrice au sein de ma famille, et malgré mon expérience de pédagogue, je rencontrais d’énormes difficultés… Eduquer les enfants des autres s’avérait plus aisée qu’éduquer ses propres enfants et je me mis à me souvenir de ce que disaient les Spartiates à propos des familles auxquelles ils enlevaient les enfants dès leur six ans, sous prétexte qu’elles en faisaient des êtres mous et lâches, de mauvais citoyens…
Par ailleurs un autre souvenir littéraire m’obsédait ,et qui avait pour source un texte de Montaigne « De l’Institution des Enfants » où cet auteur préconisait cette idée fort avant-gardiste pour son siècle et qui considérait que l’enfant devait mettre à profit pour s’instruire et apprendre aussi bien la solitude que la compagnie , le matin que le soir , en espérant que toutes heures lui seront une ,et que toutes places lui seront étude… Mais il souhaitait d’abord que la philosophie soit sa leçon principale car elle est formatrice des jugements et des mœurs et qu’elle a ce privilège de se mêler de tout… que l’on dresse en même temps le physique et le moral ,le corps et l’esprit : « Ce n’est pas timon et que l’on use non de violence ou de force mais d’une sévère douceur pour initier l’enfant au monde sous toutes ses formes… une âme ,ce n’est pas un corps qu’on dresse :c’est un homme ; il n’en faut pas faire à deux… ne pas les dresser l’un sans l’autre, mais les conduire également ,comme un couple de chevaux attelés à un même attelage ».
Ce souvenir littéraire de Montaigne a je pense marqué mon esprit tout comme l’idée que « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Je ne prétendais pas écrire des contes mais reproduire des promenades « intelligentes » où les enfants lecteurs découvriraient une richesse linguistique qui les aurait aidés à mieux connaître leur environnement et où le littéraire , le linguistique , le mathématique ou le scientifique n’étaient pas des entités cloisonnées, que l’art de s’ouvrir au monde par la lecture contribuait à une meilleure maîtrise du déchiffrement cosmique à partir des lettres et des sciences et que le choix actuel de survaloriser les mathématiques et les sciences par rapport aux langues et aux matières de culture générale comme l’histoire , la géographie, la musique, le dessin, le sport… créait des êtres calculateurs , sans force ni beauté morale , des futurs Docteur Faustus , des Frankenstein ou autres monstres ….
Qu’ est-ce que sensibiliser l’enfant aux Sciences et comment l’ai-je fait dans les albums illustrés de la collection Yesmin et Sémy destinés aux enfants de 8 à 12 ans en Tunisie :
La vie animale et la socialisation de l’enfant
• Rôle du langage dans l’appréhension du monde et dans la transmission de l’acte de savoir, scire en latin qui a donné le mot science en français avec son doublet la connaissance …
1. La description physique :
• des animaux (le chat, patte antérieure, patte postérieure, La tortue (carapace) quatre pattes …, la tortue porte une coquille sur le dos ;
• de l’enfant (main, la dent de lait,) Les noms d’animaux
2. Les cris d’animaux (le chat miaule, la grenouille coasse, le chat ronronne …
3. Les gestes d’animaux (la grenouille saute et nage, elle a des pattes longues et palmées, elle coasse,…, la sauterelle sautille, bondit sur le côté et fuit, la souris court très vite, elle est agile …, la tortue ne bouge pas et recroqueville sa tête dans sa carapace, le chat se pelotonne contre elle
4. Les familles animales :
• Le chat est un félin, la souris est un rongeur
5. Les couleurs des animaux :
• Le chat est noir, le cafard est noir, la souris est grise, la grenouille est verte, la coccinelle est orangée à points noirs,
6. Les noms des :
• petits animaux qu’un enfant découvre dans son environnement immédiat comme, Le chat, la tortue, la sauterelle…
• des papillons,
• des abeilles ouvrières,
• des oiseaux, les moineaux, le rouge-gorge, le rossignol, les hirondelles…
• des plantes, des fleurs des jardins…
• des animaux sauvages à partir d’une visite au zoo…
• des poissons, et autres animaux marins…
Apprendre à un enfant à nommer le monde qui l’entoure n’est-ce pas l’aider à construire son savoir à partir d’événements , d’occasions ,de moments privilégiés , de faits ponctuels , et l’initier à un comportement toujours propice au savoir … les promenades sont des moments privilégiés pour la construction d’une famille soudée ,solidaire , aimante ,généreuse ,une famille communicante ,dont beaucoup de jeunes en difficulté aujourd’hui n’ont pas eu la chance de connaître … Les jeunes enfants nourris d’amour s’ouvrent plus facilement aux sciences que les autres ,et c’est le rôle des passeurs (parents ,pédagogues ,auteurs ,éditeurs ,illustrateurs ,pêcheurs ,guides touristiques , amis de passage …) qui provoquent ces opportunités d’accès au savoir sous toutes ses formes ….Le langage joue le rôle d’une clé dans la transmission et la construction de ce savoir ( scientifique ,historique ,géographique , humain … à partir des différentes expériences vécues en relation avec autrui et la diversité des propos et des sujets de réflexion puisés dans différents milieux sociaux …
Dans cinq livres que j’ai produits en 1989 ,en 1991 que j’avais édités avec le concours de l’Institut Français de Coopération , je me proposais de faire découvrir à l’élève tunisien de CM1 ou CM2 à travers des promenades « savantes » tout ce qui pouvait enrichir sa culture au sens large en voulant mettre en place cet esprit qu’a développé plus tard CHARPAK « La main à la pâte » dans les années 1996 . Personne ne peut aujourd'hui NIER que les Sciences doivent investir les livres pour enfants et que la sensibilisation à l’éveil scientifique a toujours été une préoccupation majeure pour ceux qui avaient à charge l’Institution des enfants comme le disait Montaigne dans ses Essais au XVI e siècle. Cet éveil scientifique demeure encore aujourd’hui un enjeu éducatif fondamental pour nos sociétés modernes menacées par le retour du scientisme et de l’obscurantisme et de leurs conséquences néfastes sur les sociétés mondiales (Extrémisme, racisme, guerre, violence …).
La collection Yesmin et Sémy avaient pour mission d’accompagner les enfants dans le développement de leurs divers apprentissages dans les classes, dans leurs familles, et dans leurs environnements et de leur apprendre à vivre ensemble, à communiquer, à S’AIMER… L’accès de l’enfant au savoir se faisait par différents passeurs , les parents ,les pédagogues, les frères et sœurs, les pêcheurs, les amis de la famille ,les guides touristiques, les livres, la télévision… En effet il ne s’agit pas de développer la science ou les sciences au détriment des lettres porteuses des valeurs humaines et humanistes de tous les temps mais de les mener parallèlement comme les deux chevaux d’un attelage pour reprendre encore une image de Montaigne se référant au développement harmonieux du spirituel et du physique, de l’âme et du corps d’un enfant…
Les enfants vivent dans un monde réel et l’appréhendent à travers leurs propres regards et avec un dialogue permanent avec les êtres qui les entourent, au cours de moments privilégiés que sont les sorties, les promenades, les excursions où se retrouvent les membres d’une même famille.
Au cours de ces promenades, les enfants construisent avec les êtres qui les entourent leur savoir, parlent, communiquent, échangent des informations et des expériences, acquièrent de nouvelles idées…
Les promenades laissent l’opportunité aux enfants de faire preuve d’esprit d’initiative, de prendre la parole librement, de faire preuve d’un esprit d’entreprise qui fait la part belle à ce que l’on appelle la liberté responsable.
Les deux jumeaux participent avec leurs savoirs … Ce ne sont pas de simples consommateurs du savoir des adultes même s’ils en tirent profit avec respect.
L’objectif essentiel étant une appropriation progressive du monde et du langage qui le dit, la faune, la flore, la mer, la montagne, le Nord, le Sud, les animaux domestiques, les animaux sauvages, les mœurs animales, les cartes routières, les cartes marines, les fonds sous-marins, les poissons, les coquillages… La science fait partie de la vie, de la pensée, de l’esprit… Elle n’est pas isolée et exclue du monde familial, du monde social… Elle doit s’enraciner dans des valeurs d’amour, de solidarité, de liberté car « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
J’ai, en fait, tenté de capitaliser tout ce dont j’avais bénéficié comme éducation, en ayant été enfant moi-même…
Il s'agit bien entendu d'une entreprise qui devrait être partagée entre l’école, la famille et les autres lieux de socialisation de la maternelle au collège pour que l’enfant acquière les bases scientifiques nécessaires ainsi que les démarches requises pour former son jugement et l’aider à appréhender et à vivre dans le monde le mieux possible. Le noyau dur de l’innovation réside bien du côté d'une pédagogie positiviste qui nécessite une synergie interinstitutionnelle qui fait tant défaut aujourd’hui par un manque de plus en plus tangible de communication entre les différents opérateurs dans le domaine de l’enfance , dans le domaine de la science ou des sciences et dans le domaine du livre , des livres, des langues et de la littérature que nombre de scientifiques et d’institutions scientifiques négligent aujourd’hui… Ne sait-t-on alors pas qu’on pourrait produire des monstres DONT l’ancêtre serait LE docteur FAUSTUS, Faust en Français ?

FAÏZA ZOUAOUI SKANDRANI

Aucun commentaire: